2- La préservation des paysages, du patrimoine et du cadre de vie : un enjeu majeur pour la région

2.1 De fortes évolutions, des pressions multiples

  • Le développement de l’urbanisation constitue une pression majeure sur le territoire, il est parfois mal maîtrisé ou sans souci de recomposition paysagère. Le phénomène de métropolisation provoque une consommation intensive des espaces autour des noyaux urbanisés, une disparition des coupures d’urbanisation et une banalisation des paysages. Le littoral de notre région a été largement urbanisé au cours des dernières décennies. Ce territoire étant quasiment saturé, le développement de l’urbanisation se reporte désormais largement sur l’arrière pays. On assiste également à une urbanisation diffuse des zones agricoles dans certains secteurs, et à un mitage de l’espace forestier de certains massifs et coteaux.

  • Les caractères identitaires du paysage et de l’architecture tendent à se réduire au profit de modèles régionaux ré-inventés comme celui de la « maison provençale », voire nationaux ou internationaux comme les ronds points standardisés ou l’architecture de tours. Tout un petit patrimoine régional disparaît, faute d’une utilité sociale ou économique : canaux gravitaires d’irrigation, martelières, lavoirs, cabanons, murets, terrasses de cultures.
  • La déprise agricole se traduit par la progression de la forêt, provoque la fermeture des paysages et augmente le risque incendie. L’évolution des pratiques agricoles se traduit par une diminution du cloisonnement des haies, une disparition des canaux et des paysages associés. Les cultures hors sol, les serres, les bâtiments d’exploitation, l’utilisation de filets de protection dans les vergers… modifient les paysages.
  • Le développement des infrastructures de transport, des réseaux aériens et des industries, notamment extractives, a un impact fort sur les grands paysages naturels. Mais pour tous ces secteurs, la réglementation réclame une prise en compte intégrée du paysage.
  • Le développement des énergies renouvelables (parcs photovoltaïques et éoliens) mal maîtrisé peut également être source d’altération des paysages. L’implantation d’énergies renouvelables implique de mener une réflexion de planification intégrant les enjeux paysagers en amont des projets et de mettre en place une concertation entre les acteurs pour faire émerger un vrai projet permettant son appropriation par les acteurs du territoire.
  • Les risques naturels (incendies, inondations), même s’ils sont constitutifs de notre climat méditerranéen, peuvent détruire le patrimoine paysager pour plusieurs dizaines d’années, comme en 2003 où 18 000 ha ont brûlé dans la chaîne des Maures. De plus, la lutte contre les risques nécessite parfois la réalisation d’équipements qui modifient les paysages (vigies, endiguements, coupe-feux, forestiers, desserte anti-incendie, citernes, bassins de rétention…).
  • L’augmentation du tourisme et pratiques de loisirs dans les espaces naturels et les sites protégés peuvent parfois, s’ils ne sont pas encadrés, dégrader ces espaces et nécessite éventuellement des infrastructures d’accueil et des équipements préjudiciables au respect des paysages naturels.
Affichage publicitaire. (© Laurent Mignaux/METL-MEDDE)
  • L’impact visuel de l’affichage publicitaire est par définition très fort, car il cible les emplacements les plus fréquentés. Cet impact est sensible principalement dans les zones commerciales des périphéries urbaines et des entrées de ville. Hors agglomération, l’interdiction générale de publicité édictée par la loi est largement malmenée par la multiplication des pré-enseignes dérogatoires, qui devraient pourtant se borner à signaler en nombre restreint des activités utiles aux voyageurs, par des dispositifs aux dimensions réduites. L’espace public urbain souffre également d’une surabondance de dispositifs publicitaires.
  • Le réchauffement climatique a déjà modifié et modifiera certainement encore considérablement les paysages. Les derniers rapports du GIEC considèrent la zone méditerranéenne comme un « hot spot » du changement climatique. Des bouleversements importants, notamment sur la répartition de la végétation sont donc susceptibles d’impacter les paysages dans les années et décennies à venir.
  • La « privatisation » du paysage se développe (fermetures des accès aux espaces naturels ou remarquables par les propriétaires privés, grillages autour des exploitations agricoles, etc).
  • Des points noirs paysagers subsistent : hangars, friches industrielles, centres d’enfouissement technique, décharges illicites, antennes radioélectriques, relais de téléphonie, etc.

2.2 Les outils réglementaires de protection des paysages et du patrimoine

Les outils de connaissance des paysages

L’État et le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur encouragent le développement des outils de connaissance (Systèmes d’Information Géographique, réseau régional du paysage) et mènent diverses études.

Les Atlas départementaux de paysages sont des documents de connaissance partagée appliqués aux territoires. Ils sont réalisés par la DREAL en collaboration avec les Directions Départementales des Territoires, le Conseil régional et les Conseils généraux. Largement illustrés, ils apportent une lecture du paysage, définissent les enjeux par entités et proposent des pistes d’actions et de réflexion pour que les paysages soient reconnus comme une richesse particulière du département et fassent l’objet d’une politique ambitieuse.

La DREAL assure le suivi de l’observatoire photographique de l’évolution des paysages de l’Arbois dans les Bouches-du-Rhône depuis 10 ans, et de l’observatoire de la vallée des Duyes et de la Bléone dans les Alpes de Haute-Provence. En une décennie, certaines évolutions sont déjà flagrantes : artificialisation des cours d’eau par des aménagements de protection contre les crues, apparition de décharges sauvages, modifications des propriétés privées dans le sens d’une dégradation paysagère, incendies…

La DREAL a réalisé plusieurs études à l’échelle du territoire régional, telle que celle menée sur le Val de Durance.

D’autres observatoires à vocation régionale ont été mis en place (mont Ventoux dans le Vaucluse, Sainte-Victoire…). Certains Parcs Naturels Régionaux et Parcs Nationaux se sont dotés d’atlas paysagers, de chartes ou même d’observatoires du paysage.

Des inventaires spécifiques sont en cours : inventaires départementaux des arbres remarquables, inventaire des jardins familiaux, inventaire des ouvrages d’art. Par ailleurs, la DREAL a engagé l’élaboration d’inventaires départementaux des sites classés et des sites inscrits, afin de réactualiser la stratégie globale de ces espaces.

Les Ateliers Pédagogiques Régionaux mis en place par l’École Nationale Supérieure du Paysage (ENSP) sont des outils de connaissance et d’analyse des paysages pour les territoires qui en bénéficient. Par ailleurs l’ENSP et le Conseil régional ont initié depuis 2004, un cycle de séminaires sur diverses problématiques faisant lien entre enjeux de société et paysage.

Les outils réglementaires de protection des paysages et du patrimoine

La région possède la plus grande surface de sites protégés en France au titre de la loi de 1930, en particulier un nombre élevé de sites de grande étendue, avec huit sites de plus de 5 000 ha : Pelvoux, Sainte-Victoire, les Gorges du Verdon, Estérel, Calanques, vallée de la Clarée, massif des Ocres, plateau des Baous. Au total, 4% du territoire sont concernés : 150 000 ha en sites classés (dont 10 360 ha en mer) et 289 960 ha en sites inscrits. La protection au titre des sites classés s’applique pour les sites côtiers aussi au domaine public maritime qui les jouxte sur une bande de 500 mètres en mer.

Signalétique du Grand site Sainte-Victoire (© Jérôme Couroucé/METL-MEDDE)
Les plus fréquentés de ces sites font l’objet de programmes spécifiques pour concilier leur préservation et l’accueil du public. Ainsi, sept sites majeurs relèvent d’une Opération grand site (OGS) et bénéficient de financements particuliers en partenariat avec les collectivités :
  • Sainte-Victoire (13) ;
  • Jardins du Rayol (83) ;
  • Gorges du Verdon (04, 83) ;
  • Vallée de la Clarée (05) ;
  • Fontaine de Vaucluse (84) ;
  • Presqu’île de Giens (83) ;
  • Massif des Ocres (84).
Sur le CARTOPAS 2014 de la DREAL PACA :
  • Carte des Sites classés, sites inscrits et zones de protection

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Une « directive paysagère » est mise en oeuvre dans les Alpilles. Une démarche partenariale qui aboutit à des orientations opposables aux documents d’urbanisme pour la protection et la mise en valeur des grands ensembles paysagers. C’est la seule directive paysagère décrétée en France, avec celle du Mont Salève en Haute-Savoie.

Les politiques publiques foncières d’acquisitions et de gestion des espaces naturels sont aussi des outils de conservation des paysages, menées par les communes, les conseils généraux à travers la politique des espaces naturels sensibles ou le conservatoire du littoral sur les espaces littoraux. Les autres propriétés publiques, notamment forestières (forêt domaniale, départementale et communale) constituent aussi des outils de préservation et de gestion des paysages.

De plus, la région compte 35 Zones de Protection de Patrimoine Architectural Urbain et Paysager (ZPPAUP), à transformer en Aires de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP) avant juillet 2015 et 7 secteurs sauvegardés. Elle compte aussi fin 2014, 2292 monuments historiques protégés dont 770 sont classés. Ces mesures, de la compétence du ministère de la Culture, sont mises en oeuvre par les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) et les Services Territoriaux de l’Architecture et du Patrimoine (STAP) avec les collectivités concernées

La réglementation relative à la publicité a fait l’objet d’une profonde réforme dans le cadre de la loi Grenelle 2 pour réduire les formats de tous les supports et supprimer la plupart des pré-enseignes dérogatoires. Des actions exemplaires, menées dans des lieux emblématiques, permettront de mieux faire connaître et appliquer ces nouvelles règles.

Les mesures de gestion et de préservation des paysages intégrées dans les politiques publiques

Les documents de planification de l’urbanisme (SCoT, PLU…) doivent intégrer le paysage dans leurs projets d’aménagement. Ils offrent également la possibilité d’inscrire des règles de préservation des structures paysagères comme la préservation de cônes de vue, la protection d’éléments de paysage,… mais peu de collectivités utilisent pleinement ces outils.

Les projets d’aménagement importants doivent faire l’objet d’une « étude d’impact » avec notamment un volet paysager. Sur certains types d’aménagement tels que les éoliennes ou les carrières, des études ou guides spécifiques sont élaborés pour définir une stratégie d’implantation ou des méthodes tenant compte de la sensibilité paysagère des territoires : guide carrières et paysages, étude paysagère de cadrage des projets éoliens.

Les mesures de protection et de gestion des milieux naturels intègrent bien souvent des préoccupations et des actions de protection ou de valorisation des paysages. C’est particulièrement le cas des chartes des parcs naturels régionaux et des règlements des parcs nationaux. De même, les politiques foncières portées par le Conservatoire des Espaces Littoraux et des Rivages Lacustres, et par les conseils généraux (espaces naturels sensibles), participent également à la protection des paysages.

A travers les chartes pour l’environnement, les collectivités engagent des moyens financiers pour la valorisation de leur patrimoine paysager. Une politique locale peut être mise en œuvre à travers un « plan paysage » (Nice, Vallée du Champsaur ou cœur du Var).

Le paysage est intégré aux politiques agricoles à travers les mesures agro-environnementales (MAE) : soutien au pastoralisme, remise en culture de friches, maintien de cultures traditionnelles, etc.

En milieu forestier, les services de Restauration des Terrains en Montagne (RTM) de l’Office national des fôret (ONF) mènent des mesures de restauration des paysages, ainsi que les actions de prévention ou de replantation après incendies.

Les alignements de platanes menacés par le chancre coloré font l’objet de plans de sauvegarde : des schémas départementaux ont été élaborés sous l’égide des conseils généraux, pour sauvegarder et replanter des arbres d’alignements. L’État, les conseils généraux et le Conseil régional agissent de concert pour la résorption de points noirs paysagers, l’enfouissement des réseaux aériens, etc.

La Commission européenne, dans sa recommandation de 2000 relative au patrimoine culturel maritime et fluvial, souligne l’intérêt croissant que suscitent les bateaux de navigation maritime et fluviale traditionnels, mais s’inquiète du fait que, dans de nombreux pays, des navires d’une grande valeur historique courent le risque de disparaître, faute de ressources suffisantes pour leur entretien. En région, un nombre important de structures, associatives ou publiques, se mobilisent pour valoriser le patrimoine et perpétuer les traditions et les savoir-faire, notamment auprès des jeunes générations et pour mettre en exergue les activités qui ont marqué de leur empreinte le territoire régional.

Depuis quelques années, les acteurs associatifs se sont regroupé au sein de la Fédération du Patrimoine Maritime Méditerranéen, qui mène une importante action de mise en synergie des acteurs et des projets et contribue à définir des objectifs partagés et des actions collectives pour la préservation et la restauration du patrimoine.

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